Recommandations pour la Réparation des Victimes en Côte d’Ivoire

Cristián Correa et Didier Gbery
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Après un processus de consultation qui a enregistré la participation active des victimes, la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes (La Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire, CONARIV) a fait une série de recommandations sur les réparations au gouvernement et a fourni une liste initiale des victimes enregistrées. A présent, le ouvernement doit défi nir une politique transparente et équitable, sur la base des recommandations de la CONARIV et de la contribution des victimes.

Le Centre international pour la Justice Transitionnelle (ICTJ) a travaillé sur le sujet des réparations en Côte d’Ivoire avec des groupes de victimes et des entités gouvernementales, y compris la CONARIV, depuis 2012. Il a fourni une assistance technique, a encouragé un processus de consultations et de dialogue et des ateliers au cours desquels les besoins et exigences des victimes ont été identifi és. Cette méthodologie a inclus des consultations avec les jeunes et les victimes de certaines des régions les plus touchées du pays.

"Le gouvernement doit tenir compte du fait que certaines victimes sont plus dans le besoin que d’autres et que ces victimes devraient être prioritaires."
### Quatre principes fondamentaux pour défi nir les réparations

Quatre principes importants devraient défi nir une politique de réparations pour la Côte d’ Ivoire, visant à faire face aux conséquences des crimes les plus graves sur la vie des victimes:

  • Prioriser les violations de nature grave
  • Limiter les réparations aux personnes physiques
  • Les réparations devraient inclure plus que le paiement d’une indemnisation
  • Tenir les promesses

Types de Réparation

Sur la base des consultations menées dans diff érentes régions du pays, les types de mesures de réparation suivantes ont été identifi ées comme nécessaires:

1. Une certaine forme de réparation individuelle, y compris l’indemnisation des victimes des violations les plus graves et les victimes les plus vulnérables, mais aussi d’autres formes de réadaptation et de satisfaction 2. Un ensemble de mesures communautaires, y compris un soutien psychosocial, dans les quartiers ou les villes ayant une forte concentration de victimes 3. La recherche des victimes de disparition forcée, y compris celles qui ont été tuées et enterrées dans des fosses communes. Cela comprend de faire honneur à leurs restes et de répondre aux besoins des familles 4. Une politique de reconstruction pour assurer certaines normes minimales d’accès aux droits sociaux et économiques, y compris le droit à l’éducation et aux soins de santé. Cette politique devrait donner la priorité aux zones ou régions les plus touchées et qui ont connu un faible développement en raison du confl it armé et de la crise politique 5. Les réparations symboliques et excuses publiques

Conclusion

"Le programme de réparations doit répondre aux conséquences les plus graves de violence grâce à des mesures qui traitent des effets socioéconomiques à long terme, psychosociaux et liés à l’éducation pour les victimes et leurs enfants ; les effets sur la santé et d’autres conséquences qui limitent la capacité des victimes à exercer leurs droits."

Le gouvernement de Côte d’Ivoire devrait défi nir une politique de réparation à travers un processus transparent et participatif. Cela exigera de rendre publics les rapports de la CONARIV, de la CDVR, de la Commission Nationale d’Enquête (CNE), et d’autres qui pourraient aider les parties prenantes à évaluer le nombre de victimes et leurs besoins. En suivant l’approche de la CONARIV, le gouvernement devrait consulter les victimes et d’autres rganisations de la société civile tout au long du processus de conception et de mise en oeuvre d’une politique de réparation complète. Cependant, dans la définition de ses priorités, le gouvernement doit tenir compte du fait que certaines victimes sont plus dans le besoin que d’autres et que ces victimes devraient être prioritaires.

En fi n de compte, le programme de réparations doit répondre aux conséquences les plus graves de violence grâce à des mesures qui traitent des effets socioéconomiques à long terme, psychosociaux et liés à l’éducation pour les victimes et leurs enfants ; les effets sur la santé et d’autres conséquences qui limitent la capacité des victimes à exercer leurs droits. Il devrait également inclure un effortde reconstruction qui peut garantir la jouissance des droits fondamentaux dans les régions du pays touchées par la violence, la destruction et la marginalisation.

En outre, les réparations devraient affi rmer la dignité des victimes, en veillant à ce que les services fournis soient défi nis et mis en oeuvre de manière interactive et respectueuse des victimes. La mise en oeuvre peut nécessiter la défi nition d’une politique claire d’abord, puis un calendrier pour les diff érentes actions à suivre. Une décision doit être prise en ce qui concerne le registre des victimes ainsi que des considérations sur la façon d’inclure ceux qui ne sont pas en mesure de déposer une demande parce qu’ils résidaient à l’étranger ou ont subi d’autres obstacles. Si un tel processus d’enregistrement est effectué, il doit être fait en utilisant les mêmes critères et approches de la CONARIV (et probablement le même personnel), afi n de garantir la cohérence.

La reconnaissance de la responsabilité de l’État à l’égard de violations graves est un autre facteur clé pour rendre les réparations efficaces. La violence et la destruction n’étaient pas le résultat d’une catastrophe naturelle, mais de décisions politiques prises par le pouvoir. Les fonctionnaires les plus hauts gradés de l’Etat devraient clairement présenter des excuses aux victimes, et les victimes ne devraient pas être forcées d’octroyer le pardon en retour. Le pardon est quelque chose qui peut être sollicité, mais jamais exigé.

Il y a cependant deux autres politiques qui doivent être mises en oeuvre de manière contiguë pour éviter que les efforts n’apportent pas la satisfaction escomptée. La première est celle qui consiste à garantir la non-répétition des actes de violence politique et de répression, ce qui nécessite la réforme des forces armées, la police, la gendarmerie, ainsi que des groupes armés qui ont combattu pendant le confl it. La seconde est l’application du respect des droits de l’homme et du droit humanitaire dans toutes les institutions étatiques. Les individus reconnus coupables de violation de ces normes devraient être empêchés de promotion sinon retirés des services. Les mécanismes de sauvegarde de la façon dont la police et les militaires reconnaissent et respectent les droits des citoyens sont essentiels, et les réformes établissant une surveillance adéquate sont nécessaires.

Un autre élément essentiel est de faire de la politique de réparation un effort crédible d’enquête et de poursuite des violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire. Ces violations ne peuvent rester impunies. Les eff orts visant à établir une démocratie forte, fondée sur le respect des droits de l’homme exige une combinaison de facteurs. Les victimes, et toute la société ivoirienne, ont le droit à la vérité, la justice, les réparations, et les garanties de non-répétition que le gouvernement, l’Assemblée nationale, et le pouvoir judiciaire sont responsables d’exécuter.