Écouter les voix de la jeunesse: Guide pour interviewer les enfants et les jeunes dans les démarches de recherche de la vérité et de documentation

Children at a rally holding up posters and peace signs, with their faces painted in red, black, and green.
Valerie Waters
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Ce protocole veut aider à obtenir des réponses efficaces aux violations des droits humains commises à l’encontre d’enfants, dans le contexte d’un conflit armé ou d’un régime oppresseur; cependant, les techniques et instructions qu’il mentionne ne sont pas nouvelles en soi. Cet outil a été développé sur la base de décennies de recherches et de réflexions menées par les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé mentale et les organismes de protection de l’enfance qui luttent contre la maltraitance infantile aux niveaux individuel, familial et communautaire. Le principe majeur qui sous-tend la création de ce document est l’approche centrée sur l’enfant.

Son bien-être est prioritaire sur toute autre considération, y compris (entre autres) la précision et l’exhaustivité des informations recueillies. Bien qu’il puisse par moments y avoir un conflit entre les intérêts de l’enfant et les objectifs de l’instance en charge de la recherche de la vérité, des études ont montré que dans l’ensemble, les principes qui placent le bien-être de l’enfant au-dessus de tout sont compatibles avec ceux qui privilégient la collecte de données. Par exemple, des questions ouvertes servent le double objectif de créer une ambiance confortable pour l’enfant et d’accroître la précision des informations qu’elle fournit. De même, prendre le temps d’instaurer un rapport de confiance entre l’enfant et l’intervieweur(e) au début de l’entretien permet de réduire le stress de l’enfant qui doit parler d’événements et d’expériences personnelles traumatisantes, tout en l’habituant à l’approche que l’intervieweur(e) va employer pour l’aider à retrouver la mémoire, facilitant ainsi la collecte de déclarations plus complètes.

Un écart significatif de ce protocole par rapport aux pratiques bien établies d’enquêtes judiciaires d’enfants se trouve dans l’exclusion de la “vérité induite”. Alors que la version originelle de ce protocole prévoyait d’obtenir la promesse de l’enfant de dire la vérité, cet élément a été éliminé depuis.

Ce changement a été institué afin de tenir compte de l’atmosphère de grande méfiance qui prévaut souvent au sein de sociétés confrontées à l’héritage de violations massives des droits humains, y compris la prolifération d’allégations et de dénis de violations des droits humains. Il est de la responsabilité des instances de recherche de la vérité de mener de vastes enquêtes (en collectant des preuves matérielles, des documents papier et électroniques, des archives médiatiques, et d’autres sources dont des entretiens d’enfants et d’adultes), dont les récits d’enfants ne sont qu’une composante. Par conséquent, dans ces démarches, les récits d’enfants n’ont pas besoin de “tenir debout” comme c’est souvent le cas dans les affaires de justice pénale. Il n’est donc pas nécessaire de risquer d’aliéner une enfant en insinuant qu’elle peut être encline à mentir durant l’entretien. Au contraire, il vaut mieux privilégier l’instauration d’un rapport de confiance entre l’enfant et l’intervieweur(e).

En tant que guide général pour dialoguer avec les enfants, ce protocole ne peut aborder toutes les considérations spécifiques aux cultures et contextes qui devront être prises en compte. Ce protocole, ainsi que toutes les autres procédures visant à intégrer la participation d’enfants dans les processus de recherche de la vérité, doivent s’adapter au contexte local, afin d’assurer leur pertinence et leur utilité.

Ces adaptations peuvent comprendre: allonger le temps consacré à l’instauration d’un rapport pour laisser se développer une relation de confiance, par exemple dans un contexte où règne une forte méfiance entre les institutions et les membres de groupes marginalisés; la conversion de formules d’invitations utilisées par le protocole (“Parle-moi de…”) en questions (“Peux-tu me parler de…?”), en fonction des normes conversationnelles et des conceptions culturelles locales de la politesse; la modification des procédures de consentement éclairé en fonction des niveaux d’alphabétisation au sein des populations adultes; et tout autre changement qui favorise l’adaptation du protocole au contexte tout en maintenant ses principes de protection de l’enfance.

Lors de l’utilisation de ce protocole, il peut être utile de se référer aux sources principales sur lesquelles il est basé. C’est pourquoi la bibliographie mentionne des ressources complémentaires qui ont nourri la conception de cet outil. Pour d’autres conseils sur sa mise en œuvre ou son adaptation, veuillez contacter le programme Enfance et Jeunesse de l’ICTJ à info@ictj.org