Libye

Après plus de 40 ans de répression et près d’une décennie de guerres civiles, la Libye reste un pays fragile. Un processus de justice transitionnelle viable et inclusif pourrait renforcer l’État de droit, réformer les institutions de l’État, démanteler les systèmes de corruption, s’attaquer au lourd héritage de violations graves des droits de l’homme et mettre fin à une culture de l’impunité.

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Il y a trois hommes qui discutent entre eux, l'homme à gauche en gilet orange tient un morceau de papier et écoute les deux autres hommes.

Le groupe de défense partenaire de l’ICTJ Lawyers for Justice in Libya (Avocats pour la justice en Libye) a consulté plus de 3 000 Libyens de 37 communautés différentes sur la rédaction de la constitution du pays. (Lawyers for Justice in Libya)

Actuel

Contexte : De la répression à la guerre civile 

Pendant 42 ans, le colonel Mouammar Kadhafi a dirigé la Libye d’une main de fer, ne laissant aucune place aux libertés et aux droits de l’homme. Bien que disposant des plus grandes réserves de pétrole d’Afrique, le pays ne s’est pas développé et n’a pas prospéré. Au contraire, la dictature brutale et corrompue de Kadhafi a détourné les ressources du pays, n’enrichissant qu’une minorité tout en marginalisant et en appauvrissant de vastes segments de la population. Après que Kadhafi a déclaré une « révolution populaire » en 1977, des comités révolutionnaires ont été créés pour administrer le pays. Les décennies de mauvaise gouvernance qui en ont résulté, combinées à des interventions militaires dans différents conflits voisins et à une diplomatie étrangère chaotique basée sur les ambitions de Kadhafi, ont déstabilisé le pays, érodé l’État de droit et affaibli les institutions étatiques, ouvrant la porte à l’anarchie. 

En février 2011, partageant les aspirations à la liberté des pays voisins lors du Printemps arabe, les Libyens sont descendus pacifiquement dans la rue pour réclamer des changements en profondeur. Cependant, en quelques jours, les manifestations sont devenues violentes et ont dégénéré en une rébellion nationale et un conflit armé. En octobre 2011, Mouammar Kadhafi a été capturé et tué, inaugurant une nouvelle ère en Libye. Toutefois, la situation fragile du pays ne s’est pas améliorée depuis. En l’absence d’un gouvernement central fort et d’institutions étatiques efficaces, la Libye n’a pas pu empêcher les groupes armés de combler ce vide, de prendre le contrôle des régions et de déclencher une guerre civile qui se poursuit encore aujourd’hui. Pour aggraver la situation, des membres de Daech et d’autres groupes terroristes se sont infiltrés et opèrent désormais dans le pays. À l’heure actuelle, l’attention se concentre sur la résolution des conflits et des divisions en cours, plutôt que sur la réalisation d’une transition vers la démocratie. 

La Libye est désormais divisée et gouvernée par deux autorités concurrentes : le gouvernement d’accord national (GAN), reconnu officiellement, basé dans la capitale Tripoli, et l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par le général Khalifa Haftar, qui contrôle la partie orientale du pays avec un commandement central à Benghazi. Depuis avril 2019, le général Haftar a mené une offensive pour « libérer » Tripoli des milices armées et du terrorisme. La guerre civile qui en a découlé s’est transformée en une guerre par procuration entre les puissances régionales intervenantes, vu que la communauté internationale semble incapable de négocier une solution politique au conflit. Plusieurs nations ont violé l’embargo sur les armes imposé par l’ONU à la Libye depuis 2011, non seulement en vendant ou fournissant des armes aux groupes armés du pays, mais aussi en leur apportant un soutien logistique, une formation et même des combattants. Dans ces circonstances, les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, notamment les meurtres, les enlèvements, les disparitions forcées et la torture, sont devenues quotidiennes. Depuis le début des conflits en 2011, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées de leurs foyers, des réfugiés et des migrants ont été enfermés dans des centres de détention et vendus comme esclaves. Les femmes, en particulier, ont été la cible de ces violences et d’autres abus. 

Depuis le renversement du régime Kadhafi, le pays a tenté de faire face à son passé. Il a promulgué plusieurs lois, notamment la loi sur la justice transitionnelle et la réconciliation nationale en 2012 et la loi sur la justice transitionnelle en 2013 (connue sous le nom de Loi 29), qui a remplacé la première. Cependant, le processus proposé n’était ni suffisamment inclusif ni complet en termes de violations, d’auteurs présumés et des périodes sur lesquelles enquêter. Le processus n’a finalement pas pu être lancé, non seulement en raison de la détérioration de la situation en matière de sécurité et de la prolifération des groupes armés, mais aussi en raison d’autres obstacles liés à des législations controversées telles que la loi sur l’isolement politique, les promesses d’immunité pour les rebelles qui ont combattu Kadhafi, et les divisions tribales profondément enracinées. 

Bien que le pays soit embourbé dans une guerre civile sanglante, de nombreux Libyens s’efforcent malgré tout d’établir l’État de droit, de répondre aux griefs qui ont provoqué la révolution, de rendre la justice et de mettre fin à l’impunité. 

Le rôle de l’ICTJ 

L’ICTJ fournit principalement un renforcement des capacités et une assistance technique à divers intervenants locaux. Dès 2012, l’ICTJ a surveillé la transition du pays et soutenu les premiers efforts de justice transitionnelle. Par exemple, nous avons conseillé les parties prenantes sur les lois connexes adoptées en 2012 et 2013, notamment la loi sur la justice transitionnelle de 2013 (Loi 29). Nous avons également dispensé des formations à des avocats et des militants libyens. 

  • Nous travaillons avec des partenaires libyens et non libyens pour renforcer la capacité des organisations de la société civile locale à documenter les violations en cours, à jouer un rôle actif dans la transition du pays et à faire la lumière sur les causes profondes du conflit. 
  • Nous menons des recherches et fournissons des analyses d’experts pour aider à identifier les opportunités de justice transitionnelle dans le contexte libyen. 
  • Nous partageons des expériences comparatives de processus de justice transitionnelle et de réforme des institutions avec des militants libyens et d’autres intervenants. Nous les mettons en contact avec leurs homologues d’autres pays qui pratiquent la justice transitionnelle en organisant des ateliers internationaux et d’autres activités. 
  • Nous veillons à ce que les femmes et les jeunes participent à l’élaboration des processus de justice transitionnelle en Libye.