Népal

Le peuple népalais a milité pour que les responsables des violations des droits de l’homme commises pendant le conflit de 1996-2006 rendent des comptes, mais les progrès restent lents. L’ICTJ travaille avec des groupes locaux et des acteurs politiques nationaux au Népal pour aider à promouvoir la vérité, la justice et les réparations.

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Image des jeunes Népalais qui allument des bougies en mémoire des victimes du conflit.

Des jeunes Népalais allument des bougies en mémoire des victimes du conflit. (Reuters/Gopal Chitrakar)

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Contexte : Des années après la guerre civile, les victimes continuent de réclamer justice 

Pendant une grande partie de la seconde moitié du 20e siècle, la politique népalaise était centrée sur Katmandou et soumise à une stricte hiérarchie de caste et de géographie. En 1990, le premier « mouvement populaire » a renversé le système de gouvernance non élu des panchayats et introduit la démocratie multipartite, bien que la monarchie soit restée puissante et étroitement liée aux forces armées. 

Lorsque les maoïstes ont quitté le parlement en 1996, un conflit a éclaté entre le parti et l’État, qui allait durer 10 ans et entraîner la mort de plus de 13 000 personnes, des civils pour la plupart. L’insurrection maoïste visait une restructuration complète de l’État et des politiques sociales et économiques radicales telles que la réforme agraire. De graves violations des droits de l’homme ont été commises par les deux parties en conflit, notamment des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles et environ 1 300 disparitions forcées. 

L’accord de paix global (APG), signé en 2006 entre le gouvernement et les maoïstes, a aboli la monarchie et engagé le Népal à devenir une république démocratique fédérale. L’APG prévoyait des mesures pour établir la vérité sur le conflit, notamment la création d’une commission chargée d’enquêter sur les centaines de disparitions forcées. 

Une justice retardée 

Plus de dix ans après la signature de l’APG, les promesses de justice et de changement pour les citoyens népalais, dont les milliers de victimes de violations des droits de l’homme, ont été au mieux sporadiques et inégales. 

Au début, le ministère de la Paix et de la Reconstruction a mis en œuvre un programme de secours provisoire (PSP) qui a procuré des avantages limités à certaines victimes de violations des droits de l’homme, mais la responsabilité du gouvernement n’était toujours pas reconnue. Le PSP excluait également certaines catégories de victimes, comme celles ayant subi des tortures et des violences sexuelles. 

Une nouvelle constitution a été promulguée en septembre 2015, établissant une nouvelle structure fédérale et consacrant bon nombre des principes et droits fondamentaux qui ont animé historiquement les mouvements populaires et la lutte armée. Cependant, récemment, de nombreuses dispositions régressives sont entrées en vigueur ou sont à l’étude, notamment celles qui restreignent les activités de la société civile et visent les journalistes et les militants pour leurs publications sur Internet. 

Plus pertinemment, au cours des cinq dernières années, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CEDF) ont reçu environ 64 000 plaintes de victimes de violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité commis pendant le conflit, dont plus de 3 000 plaintes de familles de disparus. Pourtant, depuis la collecte de ces plaintes, les activités des commissions ont été suspendues pendant plus d’un an et les commissaires et le personnel ont été remplacés. En conséquence, la CEDF, chargée d’examiner ces plaintes, n’a pas progressé dans l’achèvement des enquêtes ante-mortem ni dans la localisation et l’identification des dépouilles de victimes. 

La CVR, qui a commencé à recevoir des plaintes en avril 2016, n’a mené aucune audience publique et n’a pas publié de rapport final.  

Les besoins de longue date des victimes en matière de vérité, de justice et de réparations demeurent insatisfaits. Le coût de l’inefficacité des commissions, lorsqu’il est mesuré à l’aune de la souffrance permanente des victimes et de leur manque de confiance dans le gouvernement, est énorme.  

À partir de 2018, les discussions autour des amendements proposés à la loi sur la justice transitionnelle du pays (loi de 2 014 sur la CVR) ont rassemblé les principales parties prenantes pour tenter de résoudre les problèmes importants qui subsistent dans l’effort de lutte contre l’impunité, d’offrir des réparations et de combler les lacunes des mesures d’aide du gouvernement précédent, et d’établir un processus d’enquête pénale pour les auteurs de violations graves des droits de l’homme. En janvier 2020, les consultations tant attendues sur les amendements ont été menées par le gouvernement dans chacune des sept provinces du Népal. Pourtant, ces amendements sont maintenant au point mort.  

En outre, comme lors de l’itération précédente, les nouveaux commissaires de la CVR et de la CEDF ont été nommés par différents partis politiques, ce qui a donné lieu à des accusations de partialité. 

Des progrès significatifs en matière de responsabilisation restent peu probables. Les tribunaux pénaux népalais ont entendu peu d’affaires liées aux violations pendant le conflit, et les efforts visant à traduire les auteurs en justice dans le cadre de la compétence universelle ont échoué. Les victimes et les organisations de la société civile continuent malgré tout de poursuivre les dirigeants maoïstes et les représentants du gouvernement pour meurtre et autres violations liées au conflit. 

Le rôle de l’ICTJ 

L’ICTJ travaille avec les victimes pour plaider en faveur de la vérité, des réparations et de la responsabilité, et pour mettre ces questions au premier plan du débat public. Il fournit également une assistance aux organes gouvernementaux nationaux et locaux chargés de répondre aux besoins et aux demandes des victimes, notamment en enquêtant sur les centaines de disparitions qui ont eu lieu pendant la guerre civile. 

Disparitions. L’ICTJ fournit un soutien technique à la CEDF, notamment une formation sur la collecte de données ante-mortem. En coopération avec l’EPAF, l’ICTJ a développé un programme de formation pour les enquêteurs de la CEDF afin qu’ils acquièrent les compétences techniques pour collecter des données ante-mortem, les saisir dans une base de données et concevoir des stratégies de recherche et des interventions médico-légales basées sur ces données. L’ICTJ s’efforce également d’améliorer l’engagement de la CEDF auprès des familles de disparus et de s’assurer que les enquêteurs disposent des compétences psychosociales nécessaires pour interagir de manière responsable avec les familles et les proches des victimes. 

La participation des victimes. L’ICTJ travaille à faciliter la participation des victimes à la fois à la CEDF et à la CVR. En 2018, l’ICTJ a organisé un événement à Katmandou qui a rassemblé des commissaires et des victimes du conflit de plusieurs provinces du pays. Lors de cette réunion, les femmes victimes du conflit ont démontré leur engagement à travailler ensemble et à se lever pour soutenir des questions politiques importantes pour elles, lorsqu’elles ont présenté le Manifeste des femmes victimes du conflit pour la justice. L’ICTJ fournit également une assistance à la Plateforme commune des victimes du conflit et au Réseau national des victimes du conflit, afin de soutenir leur travail visant à faire progresser la justice transitionnelle et à améliorer le fonctionnement des deux commissions. 

Faire progresser la justice transitionnelle grâce à des initiatives des gouvernements locaux. En 2018, l’ICTJ a aidé les gouvernements locaux, les groupes de victimes et d’autres parties prenantes à comprendre la portée et le potentiel inhérents aux nouveaux pouvoirs conférés aux gouvernements locaux par la Constitution de 2015. Nous avons également organisé une série de dialogues conjoints qui ont réuni des victimes et des représentants des gouvernements locaux. Dans le rapport « Now Is a Time to Lead: Advancing Transitional Justice Initiatives through Local Governments in Nepal », l’ICTJ a identifié ce que les gouvernements locaux et d’autres pourraient faire pour concevoir et mettre en œuvre des initiatives qui soutiennent les victimes.  

Recherche. L’ICTJ a mené des recherches approfondies sur les besoins et les aspirations des victimes de violations liées au conflit, plus récemment en partenariat avec Nagarik Aawaz, dans le cadre de l’étude multipays du Global Survivors Fund sur les possibilités de réparations pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits. Auparavant, l’ICTJ a publié le rapport « To Walk Freely with a Wide Heart » (et une version adaptée aux victimes) en 2014, et le rapport « Beyond Relief » sur l’impact socio-économique des disparitions forcées sur les épouses des disparus en 2013. 

Sensibilisation. L’ICTJ a utilisé l’art et la culture dans des formats populaires – des émissions de radio aux performances de théâtre de rue – pour articuler, rendre accessible et diffuser nos points de vue et ceux des victimes que nous avons consultées. Par exemple, l’ICTJ, en coopération avec Equal Access, produit Nikaas, une émission de radio régulière sur le processus de justice transitionnelle, qui présente des interviews de fonctionnaires d’État concernés, des explications sur les processus de plainte, et des discussions sur des questions clés telles que les considérations de genre dans le travail des commissions et la coopération entre les commissions.